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UNE NOUVELLE INÉDITE
DANS L'UNIVERS DE

PROMIS, JE VAIS T'AIMER

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- Une soirée pour tout changer -

Le taxi s’arrêta pile devant le club privé. Une nuée de fêtards se mélangeait les uns les autres en fumant leur cigarette sur le pavé. Quant au freinage de la voiture, il aurait pu être plus délicat. Alexis laissa échapper un râle de douleur. Un début de migraine commençait à lui vriller les tempes.

Demain matin, le réveil allait être compliqué, il le sentait déjà.

Si cela n’avait tenu qu’à lui, il serait en route pour regagner son lit. Mais ses collègues lui avaient fait promettre de les rejoindre pour finir la soirée avec eux.

Problème, il l’avait entamé avec ses anciens camarades de promo qu’il n’avait pas vus depuis au moins trois ans.

Après les nombreuses tournées qu’il avait déjà bues, il ne se sentait pas vraiment d’attaque pour un second round. Mais comme il avait donné sa parole, il se força à sortir de cette voiture. La banquette confortable quoique poussiéreuse ne lui avait pas facilité la tâche.

Il aurait bien commencé sa nuit dessus…

Sur le trottoir, il alluma une cigarette dont il tira quelques bouffées avant de l’écraser.

Il allait finir par être malade.

Il traversa la foule amassée devant le club et se présenta au videur. En voyant ses lunettes rondes et sa tête de premier de la classe, celui-ci le regarda de haut en bas. Visiblement, si cela n’avait tenu qu’à lui, il l’aurait laissé en plan. Alexis lui annonça qu’il rejoignait un de leurs salons privatisés où se réunissait son équipe de rédaction. Avec un air déçu, le videur contrôla son nom et lui permit d’entrer. La musique qu’Alexis trouvait déjà trop forte à l’extérieur lui agressa les tympans sitôt qu’il eut franchi les quelques mètres qui le séparaient de la grande salle où une cohue se massait sur la piste de danse. Il n’avait jamais compris ce qui attirait les gens dans ce genre d’endroit où on ne s’entendait pas parler.

Sa migraine n’allait jamais le laisser tranquille…

Tenté de faire demi-tour, Alexis sentit qu’on saisissait son bras.

— Hey Alex ! J’ai cru que tu nous avais posé un lapin… Viens, on va picoler ! Et pas des glaçons hein, s’exclama une voix alcoolisée à quelques millimètres de son visage.

Pas très stable sur ses jambes, son collègue Sylvain lui entoura les épaules et s’abandonna à moitié contre lui. Pas de chance pour lui, Alexis n’était pas beaucoup plus frais.

Il ne garantissait pas qu’ils arrivent en un seul morceau au salon privé…

Alors que Sylvain lui hurlait, il ne savait trop quoi dans les oreilles, Alexis essaya de les faire avancer. Vu qu’il ne savait pas où ils devaient aller, le trajet promettait d’être épique.

— Sylvain, où se trouve la salle privée ?

— … Non parce que tu me connais, me suis pas laissé démonter… C’est pas une bonne femme qui va me dire comment je dois m’asseoir pour pisser…

— C’est passionnant, mais où est la salle ? lui cria Alexis pour couvrir la musique.

Il avait encore le maigre espoir que son collègue finisse par être d’une quelconque utilité.

Alors qu’Alexis faisait de son mieux pour qu’ils ne trébuchent pas par terre (et vu l’inertie de Sylvain, ça relevait du challenge), on tapota dans son dos. Quand il se retourna, Alexis laissa échapper sa surprise.

Louise ? Que faisait-elle là ?

Elle était la dernière personne qu’il s’attendait à trouver à cette soirée. Il n’était pas au journal depuis très longtemps, mais il avait vite saisi que la jeune femme n’aimait pas trop se mélanger au reste de la rédaction. Elle ne prenait part à aucune discussion à la machine à café, il ne l’avait jamais vu ne serait-ce qu’aller déjeuner avec une collègue et son casque antibruit semblait greffer à sa tête.

Elle ne lui laissa pas le temps de s’interroger davantage. Son cocktail à la main, elle pointa le doigt dans une direction, lui faisant comprendre que lui et le boulet qui se pendait à son cou faisaient fausse route. 

— Louiiiiise, beugla Sylvain, t’as décidé de rejoindre le commun des mortels ? Trop sympa !

Fidèle à elle-même, Louise se contenta de le toiser avec commisération pendant qu’ils avançaient cahin-caha.

— Dommage que les salons aient pas de barre de pole dance, renchérit-il avec un rire gras.

 Pourquoi ? T’as prévu de nous faire une démonstration ? répondit-elle du tac au tac en poussant la porte de leur salle privatisée avec son épaule.

Heureusement, une fois la porte refermée derrière eux, le volume sonore était un petit plus supportable.

Au moins, il pourrait s’entendre penser.

 

Il largua Sylvain sur le premier pouf venu et rejoignit ses collègues. Denis, leur rédacteur en chef, était en pleine diatribe sur son divorce. Depuis quelques semaines, il n’avait que ce sujet à la bouche. La rancœur et le ressentiment transpiraient dans chacune de ses paroles.

— Quand je songe qu’on devait fêter nos vingt-cinq ans de mariage… Tu parles d’une sauterie !

 

L’esprit encore embrumé, Alexis s’éclipsa vers le bar, posé dans un des coins de la salle.

Il n’en pouvait plus de l’entendre tourner en boucle…

    

Quand il arriva au niveau du comptoir, celui-ci était déjà bien clairsemé. Il se prépara un whisky-coca avec un reste de Jack Daniels.

Foutu pour foutu…

Il avalait sa première gorgée quand Louise le rejoignit.

— T’as trouvé autre chose que des fonds de bouteille ? lui demanda-t-elle en sirotant un cocktail coloré.

Sa voix était pâteuse. Elle n’en était pas non plus à sa première tournée.

— C’est largement suffisant, dit-il en se pinçant l’arête du nez.

Il remonta ses lunettes et croisa le regard amusé de sa voisine de boisson.

— Quoi ?

— Rien… Mais je ne t’avais jamais imaginé saoul…, plaisanta-t-elle avant de boire une nouvelle gorgée.

La dose devait être chargée. Elle grimaça quand l’alcool coula dans sa gorge.

— Pourquoi ? Parce que « ivrogne » n’est pas tatoué sur mon front ?

— Ouh, ça te rend susceptible de picoler un coup, lui lança Louise en levant une main en signe d’apaisement.

Alexis n’avait pas voulu être agressif. L’alcool lui faisait effectivement un peu perdre ses moyens.

— Désolé…

— Pas grave, t’y peux rien si t’as une tête de bon élève… Et une dégaine de bon élève… Et un caractère de bon élève…

— Ça va, on a compris, grommela-t-il en avalant une nouvelle gorgée de son verre.

Il n’allait pas commencer à danser sur les tables pour coller au cliché du bon vivant…

Ils gardèrent le silence quelques instants, écoutant sans y faire attention le discours de Denis.

— Madame n’était plus épanouie…, râlait ce dernier. Parce qu’en bossant soixante-dix heures par semaine, elle croit que je me bidonne, moi ? Toutes les mêmes, putain !...

— Peut-être que si tu n’avais pas bossé soixante-dix heures par semaine, tu n’en serais pas là, répliqua Louise à voix basse.

— C’est pas toujours facile de relâcher la bride quand on est passionné…, contra mollement Alexis.

Il n’avait pas prévu de défendre leur rédacteur, mais il fallait avouer qu’aucun d’entre eux ne s’investissait autant que Denis. Louise se tourna vers lui, un éclair de contrariété dansant dans ses prunelles.

Comme un jour sur deux en somme…

— Non effectivement, ce n’est pas facile. Mais il n’a pas à reprocher à son ex de ne pas vouloir s’en contenter. Tu n’es là que depuis un an, mais le nombre de coups de fil que je l’ai entendu passer pour décommander des dîners avec sa femme et l’envoyer balader quand elle lui demandait de rentrer à la maison à une heure décente…

 

Fataliste, Alexis haussa les épaules.

— Toi, tu arrives à t’arrêter de bosser pour faire plaisir à ton copain ?

— Non. Mais c’est peut-être pour ça que je n’ai plus de copain.

Elle lui avait répondu sans le regarder, mais Alexis, lui, ne pouvait s’empêcher de la dévisager.

Comment ça « plus de copain » ?

Il avait, semble-t-il, raté un épisode. Aux dernières nouvelles, Louise filait le parfait amour avec un mec du milieu du cinéma.

Un assistant-réalisateur ou un truc du même genre…

 

Il n’avait jamais cherché à en savoir plus, mais il n’avait pas compris que l’idylle avait tourné court.

— Désolé que ça n’ait pas marché, dit-il après un instant d’hésitation.

 

Ils n’étaient pas du style à avoir des discussions à cœur ouvert tous les deux, mais il ne se voyait pas faire comme s’il n’avait rien entendu.

— T’en fais pas pour moi, lui répondit Louise avant de vider son verre d’un trait.

— Louise, t’es sûre que ça va ? insista-t-il.

D’ordinaire, il était plutôt partisan de laisser les gens gérer leurs problèmes. Mais en la voyant attraper les bouteilles les unes après les autres à la recherche d’un fond d’alcool, il lui avait semblé qu’une vérification n’était pas de trop.

— À merveille, lui répondit-elle en brandissant du rhum seulement au deux tiers vide.

 

Elle s’en servit une bonne rasade qu’elle arrosa de jus de pomme.

— Bon et bah bonne soirée, monsieur le bon élève !

Avec une démarche incertaine, elle s’éloigna pour rejoindre un groupe de collègues pas beaucoup plus frais. De son côté, Alexis fut embarqué de force par Sylvain pour une partie de bière-pong qui ne pouvait que mal finir.

 

Une heure plus tard, Sylvain était par terre et la partie ainsi que la bière étaient terminées. Alexis qui avait gardé il ne savait trop comment un fond d’adresse, avait réussi à limiter les dégâts. En face, Sylvain n’avait pas eu autant de chance et il avait dû s’enfiler l’équivalent d’un fût de cinq litres.

Pourtant, même allongé au sol, il continuait à renchérir.

— J’te parie que je mets la balle dedans quat'… non trois fois d’affilée !

— Je pense qu’il vaut mieux s’arrêter là, dit Alexis en lui tendant la main pour l’aider à le relever.

Et à voir l’état de ceux qui restaient à cette heure-ci, le conseil d’Alexis aurait pu valoir aussi bien pour ce jeu idiot que pour la soirée en elle-même. Ils approchaient les quatre heures du matin et bientôt le point de non-retour serait franchi.

Alexis se sentait étourdi par les verres qu’il avait bus et n’aspirait qu’à rentrer chez lui. Après une demi-douzaine de tentatives infructueuses, Sylvain finit par lui attraper la main et se hissa en position debout. Une fois qu’Alexis se fut assuré qu’il arriverait à tenir à peu près sur ses jambes, il s’éloigna. Il fit rapidement le tour de la salle du regard, mais de toute évidence, celle qu’il cherchait n’était nulle part. Après leur bref échange, elle était retournée dans la grande salle principale, délaissant sans surprise leur soirée d’entreprise.

 

Alexis se morigéna intérieurement.

Il avait dépassé ce stade, bon sang !

Il n’allait pas revenir à l’époque où il guettait ses allées et venues comme un collégien énamouré. Après tout, Louise lui avait fait comprendre avec délicatesse (et la connaissant un peu désormais, ça méritait d’être mentionné) qu’elle ne partageait pas du tout son intérêt. Et il avait reçu le message cinq sur cinq.

Quand il était arrivé à la rédaction, il avait rapidement été attiré par cette grande gueule, aux goûts cinématographiques plus qu’élitistes et à la verve mordante.

En somme, un portrait aux antipodes de lui.

Mais il avait aimé justement qu’elle réagisse à l’inverse de ce qu’il avait toujours fait. Quand il était calme et raisonné, elle était emportée et colérique. Quand il faisait en sorte de s’intégrer à l’équipe, elle faisait clairement comprendre qu’elle n’en avait rien à cirer d’être appréciée.

Pourtant, Louise était loin d’être une fille méchante. Rien qu’à la voir avec leur collègue Virginie, cela suffisait à démontrer qu’elle avait du cœur. Virginie était adorable, mais elle n’avait strictement aucune notion de l’espace vital. Louise, qui ne gênait pas pour envoyer balader des lourdauds du genre de Sylvain, ne s’était jamais permis une réflexion désagréable envers Virginie. Alexis avait même pu la voir se faire violence pour répondre à ses marques d’affection à une ou deux reprises.

Au fil des semaines où il apprenait à la connaître, il avait été témoin plus d’une fois que ce que tout le monde prenait pour du mauvais caractère, n’était en réalité qu’une façade qu’elle utilisait pour garder les autres à distance.

Et il n’avait pu s’empêcher de trouver cela adorable…

Alors, il avait craqué pour ses yeux noisette, son trop rare sourire et son éternel air renfrogné. Pensant être discret sur ses intentions, il n’avait rien tenté de trop frontal. Il avait juste espéré qu’à force de discuter et de faire connaissance, elle finirait par le voir autrement que comme le bon élève…

Échec sur toute la ligne, cela va sans dire.

Non seulement, son opinion sur lui n’avait jamais varié d’un iota, mais en plus, elle avait vu clair dans son manège. Elle lui avait fait passer le message qu’avec son assistant-réalisateur, tout allait mieux dans le meilleur des mondes, ruinant au passage les quelques espérances qu’il avait pour eux deux.

Après cela, Alexis avait repris prudemment ses distances, faisant de son maximum pour ne la considérer que comme une simple collègue. Au fond de lui, il savait que les choses étaient un petit peu plus compliquées que cela, mais il était certain de donner parfaitement le change.

C’était déjà ça !

Ce fut pourquoi il s’autorisa à aller jeter un coup d’œil à la grande salle. Une masse de gens s’escrimaient à danser sous une musique assourdissante. Il voulait juste vérifier qu’elle allait bien comme le ferait n’importe quel collègue attentionné…

 

Il mit plusieurs minutes à la repérer. Il la découvrit enfin en plein milieu de la piste. Elle dansait seule, les yeux fermés, complètement hermétique au monde autour d’elle. Il était à plusieurs mètres d’elle, mais il pouvait voir qu’elle appréciait ce moment où elle lâchait totalement prise.

 

Ce qui ne devait pas lui arriver si souvent…

 

Le sourire aux lèvres, elle bougeait en rythme, transportée par le son qui tambourinait sur les enceintes. Alexis se força à partir. Après tout, il n’était là que pour vérifier qu’elle allait bien.

Rester davantage n’était ni sage ni prudent.

Il allait rejoindre leurs collègues quand il vit une espèce de grand type aux biceps saillants et au crâne rasé venir se coller à Louise. Sans y être invité, l’homme ne se gênait pas pour se frotter à elle. Alexis commença à avancer à grandes enjambées dans leur direction. Il allait faire cesser son cirque à ce sale type.

Sauf que…

Sauf qu’Alexis avait oublié à qui il avait à faire. Sitôt que Louise sentit une présence non désirée dans son dos, elle sortit les griffes et incendia le malotru. Avec le bruit de la musique, Alexis n’entendit pas ce qu’elle lui hurlait, mais à voir son visage courroucé, le mec devait passer un mauvais quart d’heure. Sans demander son reste, il fila à travers la foule.

Alexis patienta quelques secondes pour s’assurer qu’il ne revenait pas à la charge. Il était sur le point de faire demi-tour quand le regard de Louise rencontra le sien. Il vit ses sourcils se froncer alors qu’elle traversait la piste pour le retrouver.

— Un problème ? lui lança-t-elle une fois à sa hauteur.

— Aucun, pourquoi ?

— Je n’ai pas besoin qu’on vienne à mon secours.

— Qui t’a dit que j’allais le faire ?

Leurs yeux s’affrontèrent quelques instants avant qu’elle hausse les épaules. Elle abandonnait la partie pour cette fois, mais Alexis le savait. Elle refusait toute démonstration de galanterie avec vigueur.

Ils se tenaient en silence sur un côté de la salle quand quelques collègues les rejoignirent. Sylvain, toujours aussi branlant, s’accrochait à l’un d’eux. Une fois à portée d’Alexis, il s’agrippa à sa chemise avec une force insoupçonnée.

— La prochaine fois, je prends ma revanche ! s’écria-t-il, postillonnant au passage sur les lunettes d’Alexis.

Alors que le petit groupe s’éclipsait, emmenant avec eux un Sylvain mal en point, Alexis retira sa monture et sortit une lingette de sa poche de jean.

— T’as une lingette sur toi ? se moqua Louise, morte de rire.

Un brin vexé, Alexis se rembrunit.

— Quand on porte des lunettes en permanence, il vaut mieux être prévoyant.

— Au cas où un collègue complètement torché te postillonnerait au visage, tu veux dire ? s’esclaffa-t-elle.

Frottant consciencieusement ses verres, Alexis sourit.

— Ça fait partie des situations à risques.

Étonnement, Louise ne répondit rien. Surpris qu’elle ne lui réserve pas une des sorties dont elle avait le secret, il releva le nez. Elle l’observait en silence.

— Quoi ? Il m’a craché ailleurs sur le visage ?

Un petit rire échappa à Louise avant qu’elle se remette à le regarder pensivement.

— Non, rassure-toi. Je me disais juste que…

— Que quoi… ?

— Que t’étais mignon sans lunettes.

Interdit, Alexis faillit les laisser tomber.

Ce qui compte tenu de sa myopie et de l’état des propretés du sol n’était franchement pas une bonne idée.

C’était bien la première fois qu’elle lui montrait la plus petite bribe d’intérêt. Maintenant, il fallait qu’il trouve quelque chose à répondre.

— Ah euh… merci.

… Il méritait au moins 10/10 en éloquence !

— Non pas que tu sois moche avec hein ! Mais ça atténue un peu le côté « gendre idéal », tu vois…, enchaîna-t-elle.

— Et c’est un problème le côté « gendre idéal » ? demanda-t-il en remettant sa paire sur le nez.

À côté d’eux, une table se libéra. Louise alla s’installer sur l’un des deux poufs. Après un instant d’hésitation, Alexis s’assit près d’elle.

— Non, le côté « garçon de bonne famille », ça doit plaire à certaines, lui répondit Louise en essayant d’attraper le regard d’un des serveurs.

Traduction : à certaines, mais pas à elle.

Alexis s’invectiva intérieurement. À quoi pensait-il ? Il n’était pas son style de mec, point. Il n’allait pas en faire une maladie. Il avait beau approcher les deux grammes d’alcool dans le sang, il fallait qu’il garde le sens des réalités !

— Ton ex, ce n’était pas vraiment le genre « gendre idéal » ? demanda-t-il tout à coup.

Il n’était pas parvenu à faire taire sa curiosité. Après tout, l’occasion de parler aussi librement avec Louise ne se représenterait peut-être pas de sitôt.

— Ah non, ce n’était clairement pas l’ambiance, ironisa-t-elle avec un sourire grinçant.

Sans qu’elle ait besoin de le préciser, Alexis comprit que la fin de leur romance était plus douloureuse que ce qu’elle voulait bien montrer. Elle en faisait des tonnes, mais il n’était pas dupe. Elle avait morflé dans cette histoire.

De son côté, elle s’était remise à l’observer en silence.

— En même temps, dit-elle soudain, je n’ai jamais vraiment donné dans le genre « gendre idéal ».

Sans blague ?

— Étonnant…, laissa échapper Alexis avec un éclat de rire.

— Hey ça veut dire quoi ? s’écria-t-elle en essayant de lui taper sur le bras.

Manque de bol, elle se loupa et faillit tomber de sa place. Alexis la rattrapa de justesse avant qu’elle n’aille rencontrer le sol. Il la ramena à sa hauteur. En se redressant, elle se retrouva bien plus proche de lui qu’auparavant. Ses pupilles avaient beau être rendues brillantes par l’alcool, elle ne le lâchait pas du regard. Troublé malgré lui, Alexis se pencha légèrement vers elle.

— Ça veut juste dire que les gentils garçons n’ont pas l’air d’être ton genre, murmura-t-il à son oreille.

Les yeux toujours braqués sur lui, elle garda le silence quelques instants avant de se pencher à son tour.

— Tout compte fait, je ne suis pas si sûre que tu sois un gentil garçon, finalement…

Alexis n’y tint plus. Il franchit les quelques centimètres qui restaient entre eux et posa ses lèvres sur les siennes. Louise eut un moment de surprise, mais très vite, elle répondit à son baiser avec ardeur. Avec même un peu trop d’ardeur. À travers la brume de son esprit, il se rappela que s’il avait bu plus que de raison, elle n’était pas en reste non plus.

Continuer sur cette voie était une idée vraiment stupide.

Vraiment, vraiment stupide !

Aussi, il s’écarta. Chamboulé, il se passa une main dans les cheveux et redressa ses verres sur son nez.

— Désolé, je ne sais pas ce qui m’a pr…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’elle avait déjà attrapée sa chemise pour le ramener vers elle. Elle l’embrassa à pleine bouche sans lui laisser l’opportunité de placer le moindre mot. Leurs lèvres se dévoraient consciencieusement et même s’il savait qu’il n’aurait pas dû agir ainsi, Alexis était incapable de reculer.

Il fallait pourtant qu’il réagisse !

— Je… je ne sais pas si c’est une bonne idée, lâcha-t-il enfin.

Louise glissa un doigt entre ses boutons de chemise et l’attira à elle.

— Probablement pas, mais on en a tous les deux envie, non ? chuchota-t-elle.

À ses mots, Alexis perdit totalement le contrôle de la situation. Il fondit sur sa bouche, passa une main dans son dos pour la rapprocher de lui et une autre sur sa nuque.

Ça devait répondre à sa question…

 

***

 

Quand Alexis ouvrit un œil le lendemain, une migraine atroce lui vrilla les tempes. Il appuya ses paumes sur ses yeux comme si cela allait faire disparaître le mal de tête qui lui comprimait le cerveau. Le soleil qui rentrait par la fenêtre n’arrangeait rien.

Quel idiot de ne pas avoir fermé les rideaux comme il le faisait d’habitude.

Avec précaution, il posa un pied par terre et se releva en douceur. Même en position assise, la tête le tourna.

Mais vraiment quelle idée d’avoir bu autant !

Les yeux fermés, il tâtonna de sa main droite pour récupérer sa paire de lunettes sur sa table de cheveux. À la place de sa monture en métal, il attrapa un petit papier déchiré. Grimaçant sous la lumière du jour, il le ramena devant ses yeux.

 

Putain de bordel de merde !

Ce n’était pas un papier… C’était une pochette de préservatif !

Vide qui plus est !

Oubliant l’espace d’un instant son mal de crâne, Alexis se retourna d’un coup vers l’autre moitié du lit.

Moitié présentement occupée par une silhouette dissimulée sous ses draps.

Mais il n’avait pas à s’interroger longtemps pour savoir de qui il s’agissait. Il aurait reconnu cette chevelure épaisse et bouclée n’importe où.

Ainsi donc, son rêve en compagnie de Louise n’en était pas un ?

Toutes les images qui lui revenaient en tête étaient réellement arrivées ?

Incapable de réfléchir, Alexis attrapa le boxer qui traînait par terre à côté de lui.

Dieu soit loué, il ne l’avait pas laissé dans le salon…

Sur la pointe des pieds, il regagna sa cuisine et fit couler deux cafés.

Ils allaient en avoir besoin !

Une fois la tasse de Louise en main, il retourna dans la chambre où elle commençait elle aussi à se réveiller. Il la vit regarder autour d’elle, se demandant sûrement ce qu’elle pouvait bien faire là. Elle finit enfin par se tourner vers lui. Au bout d’à peu près deux secondes et demie, elle ouvrit de grands yeux ronds et jeta un coup d’œil sous le drap où elle devait probablement se découvrir dans le plus simple appareil.

En tout cas, si ces souvenirs étaient bons…

 

Elle ne devait pas avoir très envie de parler alors qu’elle se retrouvait dans son lit et complètement nue. Il lui tendit son mug avant de s’éclipser. Une fois la porte refermée derrière lui, Alexis plongea son visage dans ses mains et hurla en silence.

 

Il se passait quoi maintenant ?

Ils étaient deux adultes consentants et a priori suffisamment conscients pour se protéger, mais il ne pouvait s’empêcher de s’en vouloir. L’alcool avait clairement obscurci leur jugement et sans cela, jamais ils n’auraient franchi un tel cap !

Alexis en était à se dire que Louise allait l’incendier d’avoir céder alors qu’elle n’était pas dans son état normal quand elle finit par sortir de sa chambre. Rhabillée de pied en cap, elle ne paraissait pas beaucoup plus fraîche que lui. Elle se planta devant lui avant qu’il puisse lui demander comment elle se sentait.

— Écoute, je vais pas tourner autour du pot. Je ne sais pas trop ce qui nous a pris hier soir, mais personnellement, je sors à peine d’une histoire et je n’ai vraiment pas la tête à ça en ce moment. Et surtout pas avec un collègue du journal…

 

Il avait beau s’y attendre, l’entendre dire qu’elle regrettait ce qui s’était passé entre eux, c’était plus douloureux que ce à quoi il s’était préparé. Il eut juste le temps de hocher la tête pour lui montrer qu’il n’insisterait pas. Sans ajouter un mot, elle fila, claquant la porte sur la seule et unique nuit qu’ils partageraient.

Parce que même si ses émotions étaient un peu malmenées ce matin, Alexis le savait pertinemment.

Il ne se passerait plus jamais rien entre eux !

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